Politique de piégeage du frelon asiatique
Extrait d'une conférence donnée auprès de nos amis belges par Gilles en février 2021
L’observation du mode de développement du frelon
Le frelon asiatique, grand prédateur d’insectes est un grand consommateur d’abeilles, les apiculteurs le savent bien. Suivant les années, suivant les régions, les lieux, sa présence est plus ou moins forte. La réalité est qu’au printemps sa présence est très discrète, et que l’été venu c’est l’affolement général tellement ils sont nombreux.
Nous devons surtout tenir compte de ce que l’on sait, nous travaillons sur du vivant et il y a de nombreux paramètres que nous ne maîtrisons pas. Un apiculteur ne peut pas dire l’année n-1 si en mars prochain ses colonies auront tant de cadres de couvains, si ses jeunes reines seront fécondées en temps et en heure… L’apiculteur doit suivre ses colonies, faire certaines intervention pour mener son cheptel pour espérer atteindre les objectifs qu’il s’est fixé, ou du moins qu’il souhaite.
C’est un peu la même chose pour les frelons, sauf que pas grand monde ne s’occupe d’eux et ils se développent. Il est clair qu’un nombre important de fondatrices passent l’hiver dans des abris et se réveillent une fois que la température devient favorable pour elles. Le parallèle avec l’apiculture trouve là encore toute sa place, on pourrait le faire avec de nombreux autres animaux. La température est un élément très important, un apiculteur sait pertinemment que les colonies d’abeilles se développent plus ou moins précocement suivant les régions, suivant le lieu, parfois à quelques kilomètres l’un de l’autre deux ruchers ont souvent un décalage dans leur croissance, il en de même pour les miellées… et cette différence dans le temps est avant tout dû à la température. Un apiculteur un peu chevronné sait très vite prévoir la miellée dans sa région, dans un secteur déterminé il peut dire suivant l’orientation du vent, l’humidité, la température si le nectar va être au rendez vous.
Il en est de même concernant le développement du frelon asiatique sur le territoire national, celui-ci ne se fait pas de manière uniforme. Une fois ce point accepté, alors que faire ? La réponse est : surtout pas un calendrier national de lutte, de piégeage ce serait une erreur monumentale, malheureusement c’est un peu ce que certains attendent.
Plan de lutte
Dans un plan de lutte il faut tenir compte du coût et des résultats au final. Baser uniquement la lutte par la destruction des nids est une grosse erreur. Le coût fini souvent pas être élevé et dissuasif au regard du nombre de nids trouvés. La destruction n’est pas toujours possible pour de multiples raisons, de plus l’opération doit être menée tous les ans du fait de la ré infestation. Les nids étant bien souvent trouvés à la chute des feuilles dans les arbres, les frelons ont eu alors le temps vu le développement exponentiel d’une colonie de faire pendant plusieurs mois d’énormes dégâts et pire, d’avoir eu le temps de libérer des centaines de jeunes reines. Les jeunes reines parties des nids coloniseront à leur tour dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres tout un territoire.
Le piégeage des fondatrices doit être l’axe majeur pour limiter sérieusement la présence du frelon asiatique.
Suivant les régions, suivant les lieux en raison de la température les futures fondatrices se réveillent, elles ont passé une période plus ou moins longue en hibernation. En début de saison nous nous trouvons en présence de jeunes reines uniquement, elles sont très discrètes. Leur alimentation est essentiellement à base de glucides. Pour celui qui a l’œil averti il peut donc en apercevoir sur les fleurs pompant du nectar, autour des ruches bien entendu où elles n’hésitent pas à s’introduire pour prélever du miel sur les cadres de rives… Les jeunes reines ou fondatrices ne posent pas de problèmes majeurs aux colonies d’abeilles, sauf qu’elles sont le début d’un fléau qui quelques mois plus tard fera de gros dégâts.
Le top départ du piégeage : la clé du succès
Le piégeage de début de saison, appelé piégeage de printemps doit se mettre en place dès lors que les fondatrices vont ou commencent à faire le nid primaire. Dans chaque région cette date est connue à une deux semaines près bien souvent par les apiculteurs et les désinsectiseurs, qui depuis de nombreuses années luttent contre ce prédateur fort nuisible. Cette date bien entendu sera bien plus tôt dans la région sud, qu’elle le sera dans le nord ou l’ouest de la France. Pour augmenter l’efficacité du piégeage et limiter au maximum les captures d’insectes non désirés, chaque année il convient d’attendre que la température soit en adéquation avec la circulation maximale des fondatrices.
Les conditions idéales :
un anticyclone, la température augmente vers 15 °
Exemple : Prenons une région où depuis plusieurs années il est constaté que les captures commencent à être significatives vers le début avril et qu’il n’est pas rare de trouver les premiers nids primaires. On peut donc à l’avance prévoir une campagne de piégeage qui devrait commencer vers le premier avril, sauf que le paramètre température ne peut être déterminé plusieurs semaines à l’avance. Le moment adéquat pour commencer à piéger est dans ce cas le moment où la température va augmenter pour atteindre 15° et plus. L’idéal est à la suite de plusieurs jours de températures plutôt fraiches et surtout d’une période pluvieuse, lorsqu’enfin l’anticyclone gonfle et s’installe, apportant soleil et chaleur.
Trop tôt…c’est capturer d’autres insectes et risquer une perte d’attractivité
Mettre son piège plus tôt en se disant le beau temps arrivera bien un jour est contre productif. Dans ce cas le nombre de capture de frelons est souvent nul ou très faible, l’appât se dégrade, perd de son attractivité, favorisant les captures d’insectes non désirés. Cela contribue aussi à faire dire à certains en début de saison, « cette année il n’y a pas de frelons », c’est malheureusement très fréquent. La période de piégeage dès lors qu’elle a débuté au bon moment ne devrait pas dépasser six semaines.
La fondatrice une fois qu’elle a pondu devra patienter environ un mois, de vingt huit à trente jours suivant la température pour voir les premier frelons émerger.
Avant, et pendant toute cette période la fondatrice est vulnérable, elle ne peut compter que sur elle pour mener à bien les différentes tâches : s’alimenter, construire le nid et s’occuper des larves. Quelques jours après la naissance des premiers frelons elle ne quittera plus le nid et ce sont les jeunes ouvrières qui assumeront l’approvisionnement du nid et son agrandissement. Il est donc important chaque année de bien cerner la meilleure date pour le début du piégeage. Pendant cette période, il faut aussi suivre de près les captures, entretenir le où les pièges. Ceux-ci doivent être placés dans un endroit où tout naturellement les fondatrices sont amenées à venir s’alimenter. Ces lieux sont principalement là ou elles peuvent trouver de la nourriture pour elles et leurs larves. Les ruchers sont des lieux très visités ainsi que les arbres à fleurs, elles y trouvent des glucides (miel et nectar) et des protéines pour leurs larves en capturant des insectes. Pendant les périodes fraiches la fondatrice limite ses sorties, celles-ci sont de courtes durées, tout laisse à penser que le but est d’éviter le refroidissement des œufs et des larves. Par contre si la température est élevée, 20° et plus, la fondatrice fait de très nombreuses sorties et reste peu au nid, s’exposant davantage au piégeage si celui-ci est mis en œuvre dans le secteur.
Pour piéger le plus efficacement il faut comprendre comment les frelons se répartissent, s’installent sur un territoire donné. Les fondatrices recherchent des lieux propices à la construction du nid primaire et aussi des ressources alimentaires pour elles et leurs larves dans un rayon limité. Elles s’installent principalement là où l’homme s’établi. En effet elles y trouveront un lieu pour faire le nid primaire qui doit être à l’abri des intempéries (volet roulant, abri de jardin, nichoir à oiseaux…) et des fleurs à proximité, ou éventuellement des ruches. De ce fait le frelon asiatique est plus souvent citadin. En ville dans un rayon de quelques centaines de mètres les fondatrices trouvent tout ce dont elles ont besoins. C’est pourquoi en ville il faut un maillage plus resserré au niveau du piégeage pour éviter des zones ou les fondatrices peuvent s’installer en toute quiétude. Il faut aussi savoir qu’un nid primaire qui va à son terme donnera un nid secondaire construit dans le voisinage par les ouvrières. Celui-ci peut se trouver dans une haie, à hauteur d’homme, ou très haut dans un arbre. La particularité des frelons asiatiques est qu’ils font très souvent deux nids. Un nid primaire fait uniquement au début par la fondatrice et à l’abri, un nid secondaire fait par les ouvrières qui résistera aux intempéries. Celui ci se trouvera toujours dans un rayon très proche du nid primaire. La proximité des nids provient du fait que vers la fin du printemps lorsque le nid primaire atteint la taille d’un gros melon, une forme d’essaimage se met en place. Une partie des ouvrières et la reine quittent le nid pour s’installer à proximité et construisent un nid qui pourra devenir très gros et contenir des milliers de frelons. La faible distance entre les deux nids provient du fait, que lorsque la reine quitte le premier nid, elle laisse derrière elle des œufs et des larves qui demandent encore des soins. Une partie des ouvrières continueront à s’occuper du premier nid, au fil du temps les frelons devenant adultes, rejoindront le nid secondaire. C’est une des raisons pour laquelle le frelon asiatique est plutôt citadin, il y trouve le gite et le couvert, du moins au début de son développement. Plus tard dans la saison, les ouvrières n’hésiteront pas à faire des kilomètres pour trouver des protéines pour alimenter les milliers de larves dans le nid et ce jusqu’à l’arrivée des premiers froids qui sonneront la mort du nid, par contre entre temps des centaines de jeunes reines seront nées, s’accoupleront et hiberneront en attendant les premières chaleurs, et le cycle recommencera. Il faut savoir qu’un nid secondaire n’est jamais réutilisé, mais signifie que le secteur est propice à l’installation.
Concernant les pièges, il en existe de différents modèles, le mieux est de trouver un bon rapport entre attractivité et sélectivité. La mauvaise sélectivité des pièges provient très souvent du lieu qui n’est pas approprié, de l’appât et surtout de la date et des conditions météorologiques non propices.
Pour être le plus efficace dans la lutte, il faut trouver un référent qui maitrise bien le sujet, une équipe de piégeurs qui suit les consignes du référent, et tenir régulièrement à jour un registre des captures.
Gilles Lanio
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